dimanche 11 janvier 2015

Le Cheval blanc de Suho, de Yûzo Otsuka, illustré par Suekichi Akaba traduit par Alain Briot, postface de Catherine Chaine. Publié aux éditions Circonflexe (Collection Aux couleurs du temps) et la BnF/CNLJ-La Joie par les Livres, en 2014

Ce n'est pas le genre d'album vers lequel je serais spontanément allée, si on ne me l'avait pas conseillé. J'ai en effet la fâcheuse habitude, non pas d'ignorer, mais de ne pas voir ceux dont les styles graphiques ne me plaisent pas immédiatement. Les illustrations du Cheval Blanc de Suho sont belles, classiques, il s'agit de peintures du peintre japonais Akaba, réalisées en 1967. Dès les premières pages, j'ai compris leur force et leur pouvoir narratif : elles nous transportent dans l'immensité des espaces mongols et contribuent parfaitement à la transmission du sens de cette histoire. Les cadrages intéressants donnent une impression de mouvement qui colle parfaitement avec le texte. Les couleurs feutrées transmettent merveilleusement les émotions et l'ambiance, tantôt tendres, tantôt dures.

Ce récit est un conte étiologique (c'est à dire un conte qui explique le comment et le pourquoi des choses), qui raconte comment fut créée la "viole à tête de cheval", instrument de musique mongol, appelé "morin-tehour" ou "morin khuur". C'est l'histoire touchante de l'amitié entre un jeune berger, Suho, et son cheval blanc, Tchagan Morin. Alors qu'ils gagnent ensemble une course organisée par le roi, celui-ci trahit sa promesse, fait battre Suho et lui vole son cheval.
Celui-ci s'échappe, mais le roi ordonne de le cribler de flèches. Il galope malgré tout pour rejoindre Suho, et meurt dans ses bras. Le jeune homme fabrique alors la première viole à tête de cheval, en souvenir de Tchagan Morin.

Bien plus qu'un conte étiologique, Le cheval blanc de Suho est un conte philosophique, sur la douleur de la perte de l'être aimé. Nous sommes invités à nous abreuver de l'amour et de la tendresse qui unissent ces deux êtres, à souffrir de la barbarie et du despotisme du roi, à entrevoir comment surmonter l'insurmontable. C'est la création, nous dit ce conte, qui est la voix royale qui mène à l'apaisement, celui qui fait revivre par le souvenir, la joie et la tristesse, l'être aimé à nos côtés. 
C'est un texte à la fois doux et violent, plein de poésie. Il est difficile d'en écrire une critique après avoir lu la postface de Catherine Chaine dont je me permets de citer un petit extrait, qui met parfaitement en lumière le sens de cette histoire :
"(...) l'exemple de Suho est universel et chacun peut chercher à sculpter, chanter, écrire, peindre, coudre ou cuisiner sa peine, pour la rendre lisible, audible, visible ou comestible pour tout un chacun. Cette élaboration demande du courage, du temps, du travail, mais la récompense est immense pour l'artiste comme pour ceux qui découvrent son œuvre d'art."
Un album précieux, pour tous.

Camille



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