vendredi 30 décembre 2016

"Tout ce dont on rêvait", de François Roux, à paraître aux éditions Albin Michel le 2 janvier 2016



En 2014, François Roux nous avait éblouis avec son roman Le bonheur national brut. Un titre intelligent qui ne s'oublie pas, un récit générationnel passionnant. L'auteur revient en cette rentrée littéraire de janvier 2017 avec une nouvelle fresque romanesque contemporaine, Tout ce dont on rêvait, posant un regard lucide sur notre société. On y rencontre Justine, vingt-cinq ans dans les années 90, dégoûtée par les hommes, enchaînant les relations toxiques. Un soir, elle tombe sous le charme d'Alex, aussi beau que désinvolte. Vingt ans plus tard, on la retrouve en couple, mais c'est avec le frère aîné d'Alex, Nicolas, que Justine s'est mariée et qu'elle a eu deux enfants, Adèle et Hector.



François Roux plonge le lecteur dans l'univers de cette famille parisienne, chacun de ses personnages étant doté d'une psychologie subtile, nuancée. Les générations se côtoient mais ne se ressemblent pas. Justine, infirmière en psychiatrie, incarne une génération de quadragénaires désabusés : 


« Sa vie entière s'était construite sur de l'insatisfaction, sur l'angoisse de ne jamais être à la hauteur, de faire les mauvais choix et puis aussi, par-dessus tout, sur la malédiction de l'ennui. » 



Déçue par la politique, elle tente de mettre en pratique ses idéaux à travers sa vie professionnelle et le lecteur la suit dans les méandres de sa quête identitaire. Son père, ancien soixante-huitard acariâtre, hargneux et aigri, s'est tourné vers le Front National. Tandis qu'Adèle, dix-sept ans, semble appartenir à une jeunesse plus sûre d'elle, évoluant avec aisance dans un monde numérisé et délaissant la politique partisane pour s'engager dans un militantisme associatif. Le cœur du roman est le licenciement de Nicolas, qui le plonge lentement dans un chaos intérieur et se répercute sur son couple. Par cette figure terriblement actuelle et banalisée du chômeur, François Roux dévoile les processus psychologiques complexes à l’œuvre dans cette expérience sociale. Le portrait de Nicolas, sans pathos, montre les incohérences et l'hypocrisie d'un système ayant érigé une « idéologie du travail » tout en soumettant cette valeur suprême à la productivité et à la rentabilité. 



Attentats de Charlie Hebdo, affaire Swissleaks, critique souterraine de la société de consommation et de l'individualisme galopant, questionnements sur le couple, l'amour, la famille, si Tout ce dont on rêvait n'est pas un roman sociologique à proprement dit, il parvient avec brio à dépeindre la complexité d'enjeux majeurs de notre temps, qu'ils soient économiques, sociologiques, psychologiques ou idéologiques et invite à nouveau à s'interroger sur la notion de bonheur : 


«  Elle savait que sa vie était en grande partie guidée par la frivolité de ses désirs, elle avait une conscience à trois cent soixante degrés du fait que la majorité de ses besoins n'étaient pas du tout le fruit de sa volonté mais répondaient à des stimuli artificiels que des apprentis sorciers du commerce, du marketing, de la com – toute une armée de gens plutôt malveillants au fond – instillaient régulièrement dans son environnement naturel pour la charmer et la faire tomber dans leurs filets. »


Malgré un titre décevant, dont la première version, "Tomber comme des mouches", aurait été bien plus pertinente et évocatrice, François Roux excelle à « mêler destins individuels et grande histoire 1» et nous offre un roman d'une force prodigieuse, un roman lumineux qu'on a du mal à refermer, des personnages que l'on quittera à regret et dont on se souviendra souvent, une fin délicieuse, parfaite, impertinente à souhait, allant à contre-courant de la pensée, de l'idéologie communes et des mœurs contemporaines, un roman donnant une furieuse envie de résister.




Note :

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